Je crois en
Dieu, Créateur du ciel
et de la terre
279 " Au commencement, Dieu créa le ciel et la
terre " (Gn 1, 1). C’est avec ces paroles solennelles que commence
l’Écriture Sainte. Le Symbole de la foi reprend ces paroles en confessant Dieu
le Père Tout-puissant comme " le Créateur du ciel et de la
terre ", " de l’univers visible et invisible ".
Nous parlerons donc d’abord du Créateur, ensuite de sa création, enfin de la
chute du péché dont Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est venu nous relever.
280 La création est le fondement de " tous les
desseins salvifiques de Dieu ", " le commencement de
l’histoire du salut " (DCG 51) qui culmine dans le Christ.
Inversement, le mystère du Christ est la lumière décisive sur le mystère de la
création ; il révèle la fin en vue de laquelle, " au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : dès le
commencement, Dieu avait en vue la gloire de la nouvelle création dans le
Christ (cf. Rm 8, 18-23).
282 La catéchèse sur la Création revêt une
importance capitale. Elle concerne les fondements mêmes de la vie humaine et
chrétienne : car elle explicite la réponse de la foi chrétienne à la
question élémentaire que les hommes de tous les temps se sont posée : " D’où
venons-nous ? " " Où allons-nous ? "
" Quelle est notre origine ? " " Quelle est
notre fin ? " " D’où vient et où va tout ce qui
existe ? " Les deux questions, celle de l’origine et celle
de la fin, sont inséparables. Elles sont décisives pour le sens et
l’orientation de notre vie et de notre agir.
284 Le grand intérêt réservé aux recherches scientifiques sur
l’origine du monde est fortement stimulé par une question d’un autre ordre, et
qui dépasse le domaine propre des sciences naturelles. Il ne s’agit pas
seulement de savoir quand et comment a surgi matériellement le cosmos, ni quand
l’homme est apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens d’une telle
origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle, une
nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent et bon, appelé
Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la bonté de Dieu, pourquoi le
mal ? D’où vient-il ? Qui en est responsable ? Et y en a-t-il
une libération ?
285 Depuis ses débuts, la foi chrétienne a été confrontée à des
réponses différentes de la sienne sur la question des origines. Ainsi, on
trouve dans les religions et les cultures anciennes de nombreux mythes
concernant les origines. Certains philosophes ont dit que tout est Dieu, que le
monde est Dieu, ou que le devenir du monde est le devenir de Dieu
(panthéisme) ; d’autres ont dit que le monde est une émanation nécessaire
de Dieu, s’écoulant de cette source et retournant vers elle ; d’autres
encore ont affirmé l’existence de deux principes éternels, le Bien et le Mal,
la Lumière et les Ténèbres, en lutte permanente (dualisme, manichéisme) ;
selon certaines de ces conceptions, le monde (au moins le monde matériel)
serait mauvais, produit d’une déchéance, et donc à rejeter ou à dépasser
(gnose) ; d’autres admettent que le monde ait été fait par Dieu, mais à la
manière d’un horloger qui l’aurait, une fois fait, abandonné à lui-même
(déisme) ; d’autres enfin n’acceptent aucune origine transcendante du
monde, mais y voient le pur jeu d’une matière qui aurait toujours existé
(matérialisme). Toutes ces tentatives témoignent de la permanence et de
l’universalité de la question des origines. Cette quête est propre à l’homme.
287 La vérité de la création est si importante pour toute la vie
humaine que Dieu, dans sa tendresse, a voulu révéler à son Peuple tout ce qui
est salutaire à connaître à ce sujet. Au-delà de la connaissance naturelle que
tout homme peut avoir du Créateur (cf. Ac 17, 24-29 ; Rm 1, 19-20), Dieu a
progressivement révélé à Israël le mystère de la création. Lui qui a choisi les
patriarches, qui a fait sortir Israël d’Égypte, et qui, en élisant Israël, l’a
créé et formé (cf. Is 43, 1), il se révèle comme celui à qui appartiennent tous
les peuples de la terre, et la terre entière, comme celui qui, seul,
" a fait le ciel et la terre " (Ps 115, 15 ; 124,
8 ; 134, 3).
288 Ainsi, la révélation de la création est
inséparable de la révélation et de la réalisation de l’alliance de Dieu,
l’Unique, avec son Peuple. La création est révélée comme le premier pas vers
cette alliance, comme le premier et universel témoignage de l’amour
Tout-Puissant de Dieu (cf. Gn 15, 5 ; Jr 33, 19-26). Aussi, la vérité de
la création s’exprime-t-elle avec une vigueur croissante dans le message des
prophètes (cf. Is 44, 24), dans la prière des psaumes (cf. Ps 104) et de la
liturgie, dans la réflexion de la sagesse (cf. Pr 8, 22-31) du Peuple élu.
289 Parmi toutes les paroles de l’Écriture Sainte sur la
création, les trois premiers chapitres de la Genèse tiennent une place unique.
Du point de vue littéraire ces textes peuvent avoir diverses sources. Les
auteurs inspirés les ont placés au commencement de l’Écriture de sorte qu’ils
expriment, dans leur langage solennel, les vérités de la création, de son
origine et de sa fin en Dieu, de son ordre et de sa bonté, de la vocation de l’homme,
enfin du drame du péché et de l’espérance du salut. Lues à la lumière du
Christ, dans l’unité de l’Écriture Sainte et dans la Tradition vivante de
l’Église, ces paroles demeurent la source principale pour la catéchèse des
mystères du " commencement " : création, chute,
promesse du salut.
II.
La création – œuvre de la Sainte Trinité
290 " Au commencement, Dieu créa le ciel et la
terre " (Gn 1, 1) : trois choses sont affirmées dans ces
premières paroles de l’Écriture : le Dieu éternel a posé un commencement à
tout ce qui existe en dehors de lui. Lui seul est créateur (le verbe
" créer " – en hébreu bara – a toujours pour sujet
Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la formule " le ciel
et la terre ") dépend de Celui qui lui donne d’être.
291 " Au commencement était le Verbe (...) et le Verbe
était Dieu. (...) Tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été
fait " (Jn 1, 1-3). Le Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé
par le Verbe Éternel, son Fils bien-aimé. C’est en lui " qu’ont été
créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre (...) tout a été créé par
lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui "
(Col 1, 16-17). La foi de l’Église affirme de même l’action créatrice de
l’Esprit Saint : il est le " donateur de vie "
(Symbole de Nicée-Constantinople), " l’Esprit Créateur "
(" Veni, Creator Spiritus "), la " Source de tout
bien " (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).
53. Pourquoi
Dieu a-t-il créé le monde?
Le monde a
été créé pour la gloire de Dieu, qui a voulu manifester et communiquer sa
bonté, sa vérité et sa beauté. La fin ultime de la création, c’est que Dieu,
dans le Christ, puisse être « tout en tous » (1 Co 15,28), pour sa
gloire et pour notre bonheur.
« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de
l’homme, c’est la vision de Dieu » (saint Irénée).
293 C’est une vérité fondamentale que l’Écriture et la Tradition
ne cessent d’enseigner et de célébrer : " Le monde a été créé
pour la gloire de Dieu " (Cc. Vatican I :
DS 3025). Dieu a créé toutes
choses, explique S. Bonaventure, " non pour accroître la Gloire, mais
pour manifester et communiquer cette gloire " (sent. 2, 1, 2, 2, 1).
Car Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté :
" C’est la clef de l’amour qui a ouvert sa main pour produire les
créatures " (S. Thomas d’A., sent. 2, prol.) Et le premier Concile du
Vatican explique :
Dans
sa bonté et par sa force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni
pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu’il
accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre dessein, tout
ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature,
la spirituelle et la corporelle (DS 3002).
294 La gloire de Dieu c’est que se réalise cette manifestation
et cette communication de sa bonté en vue desquelles le monde a été créé. Faire
de nous " des fils adoptifs par Jésus-Christ : tel fut le
dessein bienveillant de Sa volonté à la louange de gloire de sa
grâce " (Ep 1, 5-6) : " Car la gloire de Dieu, c’est
l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la
révélation de Dieu par la création procura la vie à tous les êtres qui vivent
sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle
la vie à ceux qui voient Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 7). La fin
ultime de la création, c’est que Dieu, " qui est le Créateur de tous
les êtres, devienne enfin ‘tout en tous’ (1 Co 15, 28), en procurant à la fois
sa gloire et notre béatitude " (AG 2).
54. Comment
Dieu a-t-il crée l’univers?
Dieu a créé
l’univers librement, avec sagesse et amour. Le monde n’est pas le produit d’une
nécessité, d’un destin aveugle ou du hasard. Dieu a créé « de rien » (ex
nihilo; 2 M 7, 28) un monde ordonné et bon, qu’Il transcende à l’infini.
Dieu conserve sa création dans l’être et Il la soutient, lui donnant la
capacité d’agir et la conduisant vers son achèvement par son Fils et par
l’Esprit Saint.
Dieu crée un monde ordonné et
bon
299 Puisque Dieu crée avec sagesse, la création est
ordonnée : " Tu as tout disposé avec mesure, nombre et
poids " (Sg 11, 20). Créée dans et par le Verbe éternel,
" image du Dieu invisible " (Col 1, 15), elle est destinée,
adressée à l’homme, image de Dieu (cf. Gn 1, 26), appelé à une relation
personnelle avec Dieu. Notre intelligence, participant à la lumière de
l’Intellect divin, peut entendre ce que Dieu nous dit par sa création (cf. Ps
19, 2-5), certes non sans grand effort et dans un esprit d’humilité et de
respect devant le Créateur et son œuvre (cf. Jb 42, 3). Issue de la bonté
divine, la création participe à cette bonté (" Et Dieu vit que cela
était bon (...) très bon " : Gn 1, 4. 10. 12. 18. 21. 31). Car
la création est voulue par Dieu comme un don adressé à l’homme, comme un héritage
qui lui est destiné et confié . L’Église a dû, à maintes reprises, défendre la
bonté de la création, y compris du monde matériel (cf. DS 286 ;
455-463 ; 800 ; 1333 ; 3002).
55. En quoi
consiste la Providence divine?
La divine
Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit ses créatures
vers l’ultime perfection à laquelle il les a appelées. Dieu est l’auteur
souverain de son dessein. Mais, pour sa réalisation, il utilise aussi la
coopération de ses créatures. En même temps, il leur donne la dignité d’agir
par elles-mêmes et d’être causes les unes des autres.
306 Dieu est le Maître souverain de son dessein. Mais pour sa
réalisation, Il se sert aussi du concours des créatures. Ceci n’est pas un
signe de faiblesse, mais de la grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant.
Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, il leur donne aussi
la dignité d’agir elles-mêmes, d’être causes et principes les unes des autres
et de coopérer ainsi à l’accomplissement de son dessein.
56. Comment
l’homme collabore-t-il avec la divine Providence?
Tout en
respectant sa liberté, Dieu donne à l’homme et lui demande de collaborer par
ses actions, par ses prières, mais aussi par ses souffrances, en suscitant en
lui « le vouloir et le faire selon la bonté de son dessein » (Ph 2,13).
57. Si Dieu
est tout-puissant et providence, pourquoi alors le mal existe-t-il?
Seul l’ensemble
de la foi chrétienne peut donner réponse à cette question, à la fois
douloureuse et mystérieuse. En aucune manière, Dieu n’est la cause du mal, ni
directement, ni indirectement. Il éclaire le mystère du mal par son Fils Jésus
Christ, mort et ressuscité pour vaincre le grand mal moral qu’est le péché des
hommes, racine des autres maux.
La providence et le scandale
du mal
309 Si Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et
bon, prend soin de toutes ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? A
cette question aussi pressante qu’inévitable, aussi douloureuse que
mystérieuse, aucune réponse rapide ne saura suffire. C’est l’ensemble de la foi
chrétienne qui constitue la réponse à cette question : la bonté de la
création, le drame du péché, l’amour patient de Dieu qui vient au devant de
l’homme par ses alliances, par l’Incarnation rédemptrice de son Fils, par le
don de l’Esprit, par le rassemblement de l’Église, par la force des sacrements,
par l’appel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont
invitées d’avance à consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi d’avance,
par un mystère terrible, se dérober. Il n’y a pas un trait du message
chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la question du mal.
310 Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé un monde aussi parfait
qu’aucun mal ne puisse y exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu
pourrait toujours créer quelque chose de meilleur (cf. S. Thomas d’A., s. th.
1, 25, 6). Cependant dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu
librement créer un monde " en état de voie " vers sa
perfection ultime. Ce devenir comporte, dans le dessein de Dieu, avec l’apparition
de certains êtres, la disparition d’autres, avec le plus parfait aussi le moins
parfait, avec les constructions de la nature aussi les destructions. Avec le
bien physique existe donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la
création n’a pas atteint sa perfection (cf. S. Thomas d’A., s. gent. 3, 71).
58. Pourquoi
Dieu permet-il le mal?
La foi nous
donne la certitude que Dieu ne permettrait pas le mal s’il ne faisait pas
sortir le bien du mal lui-même. Cela, Dieu l’a déjà merveilleusement accompli
dans la mort et la résurrection du Christ. En effet, du mal moral le plus
grand, la mort de son Fils, il a tiré les plus grands biens, la glorification
du Christ et notre rédemption.
311 Les anges et les hommes, créatures intelligentes et libres,
doivent cheminer vers leur destinée ultime par choix libre et amour de
préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En fait, ils ont péché. C’est ainsi
que le mal moral est entré dans le monde, sans commune mesure plus grave
que le mal physique. Dieu n’est en aucune façon, ni directement ni
indirectement, la cause du mal moral (cf. S. Augustin, lib. 1, 1, 1 : PL
32, 1221-1223 ; S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 79, 1). Il le permet
cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait
en tirer le bien :
Car
le Dieu Tout-puissant (...), puisqu’il est souverainement bon, ne laisserait
jamais un mal quelconque exister dans ses œuvres s’il n’était assez puissant et
bon pour faire sortir le bien du mal lui-même (S. Augustin, enchir. 11, 3).
312 Ainsi, avec le temps, on peut découvrir que Dieu, dans sa
providence toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences d’un mal, même
moral, causé par ses créatures : " Ce n’est pas vous, dit Joseph
à ses frères, qui m’avez envoyé ici, c’est Dieu ; (...) le mal que vous
aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l’a tourné en bien afin de (...)
sauver la vie d’un peuple nombreux " (Gn 45, 8 ; 50, 20 ;
cf. Tb 2, 12-18 vulg.). Du mal moral le plus grand qui ait jamais été commis,
le rejet et le meurtre du Fils de Dieu, causé par les péchés de tous les
hommes, Dieu, par la surabondance de sa grâce (cf. Rm 5, 20), a tiré le plus
grand des biens : la glorification du Christ et notre Rédemption. Le mal
n’en devient pas pour autant un bien.
313 " Tout concourt au bien de ceux qui aiment
Dieu " (Rm 8, 28). Le témoignage des saints ne cesse de confirmer
cette vérité :
Ainsi,
S. Catherine de Sienne dit à " ceux qui se scandalisent et se
révoltent de ce qui leur arrive " : " Tout procède de
l’amour, tout est ordonné au salut de l’homme, Dieu ne fait rien que dans ce
but " (dial. 4, 138).
Et S.
Thomas More, peu avant son martyre, console sa fille : " Rien ne
peut arriver que Dieu ne l’ait voulu. Or, tout ce qu’il veut, si mauvais que
cela puisse nous paraître, est cependant ce qu’il y a de meilleur pour
nous " (Margarita Roper, Epistula ad Aliciam Alington (mense
augusti 1534).
Et
Lady Julian of Norwich : " J’appris donc, par la grâce de Dieu,
qu’il fallait m’en tenir fermement à la foi, et croire avec non moins de
fermeté que toutes choses seront bonnes... Et tu verras que toutes choses
seront bonnes ". " Thou shalt see thyself that all MANNER
of thing shall be well " (rev. 13, 32).
314 Nous croyons fermement que Dieu est le Maître du monde et de
l’histoire. Mais les chemins de sa providence nous sont souvent inconnus. Ce
n’est qu’au terme, lorsque prendra fin notre connaissance partielle, lorsque
nous verrons Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), que les
voies nous seront pleinement connues, par lesquelles, même à travers les drames
du mal et du péché, Dieu aura conduit sa création jusqu’au repos de ce Sabbat
(cf. Gn 2, 2) définitif, en vue duquel Il a créé le ciel et la terre.
Le ciel et la terre
59. Que Dieu
a-t-il créé?
La Sainte
Écriture dit : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1).
Dans sa profession de foi, l’Église proclame que Dieu est le créateur de toutes
les choses visibles et invisibles, de tous les êtres spirituels et matériels,
c’est-à-dire les anges et le monde visible, et tout particulièrement l’homme.
60. Qui sont
les anges?
Les anges
sont des créatures purement spirituelles, incorporelles, invisibles et
immortelles; ce sont des êtres personnels, doués d’intelligence et de volonté.
Contemplant sans cesse Dieu face à face, ils le glorifient; ils le servent et
sont ses messagers pour l’accomplissement de la mission de salut de tous les
hommes.
L’existence des anges – une
vérité de foi
328 L’existence des êtres
spirituels, non corporels, que l’Écriture Sainte nomme habituellement anges,
est une vérité de foi. Le témoignage de l’Écriture est aussi net que
l’unanimité de la Tradition.
Qui sont-ils ?
329 S. Augustin dit à
leur sujet : " ‘Ange’ désigne la fonction, non pas la nature. Tu
demandes comment s’appelle cette nature ? – Esprit. Tu demandes la fonction ?
– Ange ; d’après ce qu’il est, c’est un esprit, d’après ce qu’il fait,
c’est un ange " (Psal. 103, 1, 15). De tout leur être, les anges sont
serviteurs et messagers de Dieu. Parce qu’ils contemplent
" constamment la face de mon Père qui est aux cieux " (Mt
18, 10), ils sont " les ouvriers de sa parole, attentifs au son de sa
parole " (Ps 103, 20).
330 En tant que créatures purement spirituelles, ils ont
intelligence et volonté : ils sont des créatures personnelles (cf. Pie
XII : DS 3801) et immortelles (cf. Lc 20, 36). Ils dépassent en perfection
toutes les créatures visibles. L’éclat de leur gloire en témoigne (cf. Dn 10,
9-12).
332 Ils sont là, dès la création (cf. Jb 38, 7, où les anges
sont appelés " fils de Dieu ") et tout au long de
l’histoire du salut, annonçant de loin ou de près ce salut et servant le
dessein divin de sa réalisation : ils ferment le paradis terrestre (cf. Gn
3, 24), protègent Lot (cf. Gn 19), sauvent Agar et son enfant (cf. Gn 21, 17),
arrêtent la main d’Abraham (cf. Gn 22, 11), la loi est communiquée par leur
ministère (cf. Ac 7, 53), ils conduisent le Peuple de Dieu (cf. Ex 23, 20-23),
ils annoncent naissances (cf. Jg 13) et vocations (cf. Jg 6, 11-24 ; Is 6,
6), ils assistent les prophètes (cf. 1 R 19, 5), pour ne citer que quelques
exemples. Enfin, c’est l’ange Gabriel qui annonce la naissance du Précurseur et
celle de Jésus lui-même (cf. Lc 1, 11. 26).
61. Comment
les anges sont-ils présents à la vie de l’Église?
334-336
352
L’Église
s’unit aux anges pour adorer Dieu; elle invoque leur assistance et, dans sa
liturgie, elle célèbre la mémoire de certains d’entre eux. (S. Michel, S. Gabriel, S. Raphaël, les
anges gardiens).
« Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et
pasteur pour le conduire à la vie » (saint Basile le grand).
62.
Qu’enseigne la Sainte Écriture au sujet de la création du monde visible?
À travers le
récit des « sept jours » de la création, la Sainte Écriture nous fait connaître
la valeur de la création et sa finalité qui est la louange de Dieu et le service
de l’homme. Toute chose doit son existence à Dieu, de qui elle reçoit sa bonté
et sa perfection, ses lois et sa place dans l’univers.
338 Il n’existe rien qui ne doive son
existence à Dieu créateur. Le
monde a commencé quand il a été tiré du néant par la parole de Dieu ; tous
les êtres existants, toute la nature, toute l’histoire humaine s’enracinent en
cet événement primordial : c’est la genèse même par laquelle le monde est
constitué, et le temps commencé (cf. S. Augustin, Gen. Man. 1, 2, 4 : PL 35,
175).
339 Chaque créature possède sa bonté et sa
perfection propres. Pour
chacune des œuvres des " six jours " il est dit :
" Et Dieu vit que cela était bon ". " C’est en
vertu de la création même que toutes les choses sont établies selon leur
consistance, leur vérité, leur excellence propre avec leur ordonnance et leurs
lois spécifiques " (GS 36, § 2). Les différentes créatures, voulues
en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et
de la bonté infinies de Dieu. C’est pour cela que l’homme doit respecter la
bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses, qui
méprise le Créateur et entraîne des conséquences néfastes pour les hommes et
pour leur ambiance.
340 L’interdépendance des créatures est voulue par Dieu.
Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, l’aigle et le moineau :
les innombrables diversités et inégalités signifient qu’aucune créature ne se
suffit à elle-même, qu’elles n’existent qu’en dépendance les unes des autres,
pour se compléter mutuellement, au service les unes des autres.
341 La beauté de l’univers : L’ordre et l’harmonie
du monde créé résultent de la diversité des êtres et des relations qui existent
entre eux. L’homme les découvre progressivement comme lois de la nature. Ils
font l’admiration des savants. La beauté de la création reflète l’infinie
beauté du Créateur. Elle doit inspirer le respect et la soumission de
l’intelligence de l’homme et de sa volonté.
342 La hiérarchie des créatures est exprimée par l’ordre
des " six jours ", qui va du moins parfait au plus parfait.
Dieu aime toutes ses créatures (cf. Ps 145, 9), il prend soin de chacune, même
des passereaux. Néanmoins, Jésus dit : " Vous valez mieux qu’une
multitude de passereaux " (Lc 12, 6-7), ou encore :
" Un homme vaut plus qu’une brebis " (Mt 12, 12).
63. Quelle
est la place de l’homme dans la création?
L’homme est
le sommet de la création visible, car il est créé à l’image et à la
ressemblance de Dieu.
64. Quel
type de liens existe-t-il entre les réalités créées?
Entre les
créatures, il existe une interdépendance et une hiérarchie voulues par Dieu. En
même temps, il existe une unité et une solidarité entre les créatures, car
toutes ont le même créateur, toutes sont aimées de lui et sont ordonnées à sa
gloire. Respecter les lois inscrites dans la création et les rapports découlant
de la nature des choses constitue donc un principe de sagesse et un fondement
de la morale.
65. Quelle
relation y a-t-il entre l’œuvre de la création et celle de la rédemption?
L’œuvre de
la création culmine dans l’œuvre, plus grande encore, de la rédemption. En
effet, cette dernière est le point de départ de la nouvelle création, dans
laquelle tout retrouvera son sens plénier et son achèvement.
345 Le Sabbat – fin de l’œuvre des
" six jours ". Le
texte sacré dit que " Dieu conclut au septième jour l’ouvrage qu’Il
avait fait " et qu’ainsi " le ciel et la terre furent
achevés ", et que Dieu, au septième jour,
" chôma " et qu’Il sanctifia et bénit ce jour (Gn 2, 1-3).
Ces paroles inspirées sont riches en enseignements salutaires :
346 Dans la création Dieu a posé un fondement et des lois qui
demeurent stables (cf. He 4, 3-4), sur lesquels le croyant pourra s’appuyer
avec confiance, et qui lui seront le signe et le gage de la fidélité inébranlable
de l’alliance de Dieu (cf. Jr 31, 35-37 ; 33, 19-26). De son côté, l’homme
devra rester fidèle à ce fondement et respecter les lois que le Créateur y a
inscrites.
347 La création est faite en vue du Sabbat et donc du culte et
de l’adoration de Dieu. Le culte est inscrit dans l’ordre de la création (cf.
Gn 1, 14). " Ne rien préférer au culte de Dieu ", dit la
règle de S. Benoît (reg. 43, 3), indiquant ainsi le juste ordre des
préoccupations humaines.
349 Le huitième jour. Mais pour nous, un jour nouveau
s’est levé : le jour de la Résurrection du Christ. Le septième jour achève
la première création. Le huitième jour commence la nouvelle création. Ainsi,
l’œuvre de la création culmine en l’œuvre plus grande de la rédemption. La
première création trouve son sens et son sommet dans la nouvelle création dans
le Christ, dont la splendeur dépasse celle de la première (cf. MR, Vigile
Pascale 24 : prière après la première lecture).
L’homme
66. En quel
sens l’homme est-il créé à « l’image de Dieu »?
L’homme est créé
à l’image de Dieu en ce sens qu’il est capable de connaître et d’aimer
librement son créateur. Sur la terre, il est la seule créature que Dieu a
voulue pour elle-même et qu’il a appelée à participer à sa vie divine, par la
connaissance et par l’amour. Parce qu’il est créé à l’image de Dieu, l’homme a
la dignité d’une personne; il n’est pas quelque chose, mais quelqu’un, capable
de se connaître, de se donner librement et d’entrer en communion avec Dieu et
avec autrui.
67. Dans
quel but Dieu a-t-il créé l’homme?
Dieu a tout
créé pour l’homme, mais l’homme a été créé pour connaître, servir et aimer
Dieu, pour lui offrir, dans ce monde, la création en action de grâce et pour
être, dans le ciel, élevé à la vie avec Dieu. C’est seulement dans le mystère
du Verbe incarné que le mystère de l’homme trouve sa vraie lumière. L’homme est
prédestiné à reproduire l’image du Fils de Dieu fait homme, qui est lui-même la
parfaite « image du Dieu invisible » (Col 1,15).
68. Pourquoi
les hommes forment-ils une unité?
Tous les
hommes forment l’unité du genre humain, en raison de leur commune origine,
qu’ils tiennent de Dieu. De plus, Dieu, « à partir d’un seul homme, a créé tous
les peuples » (Ac 17,26). Tous ont un unique Sauveur. Tous sont appelés
à partager l’éternité bienheureuse de Dieu.
69. Dans
l’homme, comment l’âme et le corps ne forment-ils qu’un?
La personne
humaine est un être à la fois corporel et spirituel. En l’homme, l’esprit et la
matière forment une seule nature. Cette unité est si profonde que, grâce au principe
spirituel qu’est l’âme, le corps, qui est matière, devient un corps humain et
vivant, et prend part à la dignité d’image de Dieu.
70. Qui
donne l’âme à l’homme?
L’âme
spirituelle ne vient pas des parents, mais elle est créée directement par Dieu,
et elle est immortelle. Se séparant du corps au moment de la mort, elle
ne meurt pas; elle s’unira à nouveau au corps au moment de la résurrection
finale.
366 L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est
immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc. " Humani
generis ", 1950) – elle n’est pas " produite "
par les parents – ; elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc.
Latran V en 1513) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans
la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
72. Quelle
était la condition originelle de l’homme selon le projet de Dieu?
En créant
l’homme et la femme, Dieu leur avait donné une participation spéciale à sa vie
divine, dans la sainteté et la justice. Dans le projet de Dieu, l’homme
n’aurait dû ni souffrir ni mourir. En outre, il régnait une harmonie parfaite
de l’homme en lui-même, entre la créature et le créateur, entre l’homme et la
femme, comme aussi entre le premier couple humain et toute la création.
377 La " maîtrise " du monde que Dieu avait
accordée à l’homme dès le début, se réalisait avant tout chez l’homme lui-même
comme maîtrise de soi. L’homme était intact et ordonné dans tout son
être, parce que libre de la triple concupiscence (cf. 1 Jn 2, 16) qui le soumet
aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens terrestres et à l’affirmation
de soi contre les impératifs de la raison.
378 Le signe de la familiarité avec Dieu, c’est que Dieu le
place dans le jardin (cf. Gn 2, 8). Il y vit " pour cultiver le sol
et le garder " (Gn 2, 15) : le travail n’est pas une peine (cf.
Gn 3, 17-19), mais la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le
perfectionnement de la création visible.
379 C’est toute cette harmonie de la justice originelle, prévue
pour l’homme par le dessein de Dieu, qui sera perdu par le péché de nos
premiers parents.
La chute
73. Comment
comprendre la réalité du péché?
Dans
l’histoire de l’homme, le péché est présent. Une telle réalité ne s’éclaire
pleinement qu’à la lumière de la Révélation divine, et surtout à la lumière du
Christ Sauveur de tous, qui a fait surabonder la grâce là où le péché a abondé.
385 Dieu est infiniment bon et toutes ses œuvres sont bonnes.
Cependant, personne n’échappe à l’expérience de la souffrance, des maux dans la
nature – qui apparaissent comme liés aux limites propres des créatures –, et
surtout à la question du mal moral. D’où vient le mal ? " Je
cherchais d’où vient le mal et je ne trouvais pas de solution " dit
S. Augustin (conf. 7, 7, 11), et sa propre quête douloureuse ne trouvera
d’issue que dans sa conversion au Dieu vivant. Car " le mystère de
l’iniquité " (2 Th 2, 7) ne s’éclaire qu’à la lumière du mystère de
la piété (cf. 1 Tm 3, 16). La révélation de l’amour divin dans le Christ a
manifesté à la fois l’étendue du mal et la surabondance de la grâce (cf. Rm 5,
20). Nous devons donc considérer la question de l’origine du mal en fixant le
regard de notre foi sur Celui qui, seul, en est le Vainqueur (cf. Lc 11,
21-22 ; Jn 16, 11 ; 1 Jn 3, 8).
I.
La où le péché a abondé, la grâce a surabondé
La réalité du péché
386 Le péché est présent dans l’histoire de l’homme : il
serait vain de tenter de l’ignorer ou de donner à cette obscure réalité
d’autres noms. Pour essayer de comprendre ce qu’est le péché, il faut d’abord
reconnaître le lien profond de l’homme avec Dieu, car en dehors de ce
rapport, le mal du péché n’est pas démasqué dans sa véritable identité de refus
et d’opposition face à Dieu, tout en continuant à peser sur la vie de l’homme
et sur l’histoire.
387 La réalité du péché, et plus particulièrement du péché des
origines, ne s’éclaire qu’à la lumière de la Révélation divine. Sans la
connaissance qu’elle nous donne de Dieu on ne peut clairement reconnaître le
péché, et on est tenté de l’expliquer uniquement comme un défaut de croissance,
comme une faiblesse psychologique, une erreur, la conséquence nécessaire d’une
structure sociale inadéquate, etc. C’est seulement dans la connaissance du
dessein de Dieu sur l’homme que l’on comprend que le péché est un abus de la liberté
que Dieu donne aux personnes créées pour qu’elles puissent l’aimer et s’aimer
mutuellement.
Le péché originel – une
vérité essentielle de la foi
388 Avec la progression de la Révélation est éclairée aussi la
réalité du péché. Bien que le Peuple de Dieu de l’Ancien Testament ait connu
d’une certaine manière la condition humaine à la lumière de l’histoire de la
chute narrée dans la Genèse, il ne pouvait pas atteindre la signification
ultime de cette histoire, qui se manifeste seulement à la lumière de la Mort et
de la Résurrection de Jésus-Christ (cf. Rm 5, 12-21). Il faut connaître le
Christ comme source de la grâce pour connaître Adam comme source du péché.
C’est l’Esprit-Paraclet, envoyé par le Christ ressuscité, qui est venu
" confondre le monde en matière de péché " (Jn 16, 8) en
révélant Celui qui en est le Rédempteur.
389 La doctrine du péché originel est pour ainsi dire
" le revers " de la Bonne Nouvelle que Jésus est le Sauveur
de tous les hommes, que tous ont besoin du salut et que le salut est offert à
tous grâce au Christ. L’Église qui a le sens du Christ (cf. 1 Co 2, 16) sait
bien qu’on ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter
atteinte au mystère du Christ.
390 Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il
affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de
l’histoire de l’homme (cf. GS 13, § 1). La Révélation nous donne la
certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute
originelle librement commise par nos premiers parents
74.
Qu’est-ce que la chute des anges?
Par cette
expression, on veut signifier que Satan et les autres démons, dont parlent la
Sainte Écriture et la Tradition de l’Église, alors qu’ils étaient des anges
créés bons par Dieu, se sont transformés en méchants, car, par leur choix libre
et irrévocable, ils ont refusé Dieu et son Règne, donnant ainsi naissance à
l’enfer. Ils tentent d’associer l’homme à leur rébellion contre Dieu; mais Dieu
affirme dans le Christ sa victoire assurée sur le Malin.
391 Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y
a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait
tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24). L’Écriture et la Tradition de l’Église
voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable (cf. Jn 8, 44 ;
Ap 12, 9). L’Église enseigne qu’il a été d’abord un ange bon, fait par Dieu.
" Le diable et les autres démons ont certes été créés par Dieu
naturellement bons, mais c’est eux qui se sont rendus mauvais " (Cc.
Latran IV en 1215 : DS 800).
392 L’Écriture parle d’un péché de ces anges (cf. 2 P 2,
4). Cette " chute " consiste dans le choix libre de ces
esprits créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et
son Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du
tentateur à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme
Dieu " (Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès
l’origine " (1 Jn 3, 8), " père du mensonge " (Jn
8, 44).
393 C’est le caractère irrévocable de leur choix, et non
un défaut de l’infinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne
peut être pardonné. " Il n’y a pas de repentir pour eux après la
chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la mort "
(S. Jean Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
394 L’Écriture atteste l’influence néfaste de celui que Jésus
appelle " l’homicide dès l’origine " (Jn 8, 44), et qui a
même tenté de détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf. Mt 4, 1-11).
" C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu est
apparu " (1 Jn 3, 8). La plus grave en conséquences de ces œuvres a
été la séduction mensongère qui a induit l’homme à désobéir à Dieu.
395 La puissance de Satan n’est cependant pas infinie. Il n’est
qu’une créature, puissante du fait qu’il est pur esprit, mais toujours une
créature : il ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu. Quoique
Satan agisse dans le monde par haine contre Dieu et son Royaume en
Jésus-Christ, et quoique son action cause de graves dommages – de nature
spirituelle et indirectement même de nature physique – pour chaque homme et
pour la société, cette action est permise par la divine Providence qui avec
force et douceur dirige l’histoire de l’homme et du monde. La permission divine
de l’activité diabolique est un grand mystère, mais " nous savons que
Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment " (Rm 8, 28).
75. En quoi
consiste le premier péché de l’homme?
L’homme,
tenté par le démon, a laissé s’éteindre en son cœur la confiance dans ses
rapports avec son Créateur. En lui désobéissant, il a voulu devenir « comme
Dieu », sans Dieu et non selon Dieu (Gn 3,5). Ainsi, Adam et Ève ont
perdu immédiatement, pour eux et pour toute leur descendance, la grâce de la
sainteté et de la justice originelles.
396 Dieu a créé l’homme à
son image et l’a constitué dans son amitié. Créature spirituelle, l’homme ne
peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre soumission à Dieu. C’est ce
qu’exprime la défense faite à l’homme de manger de l’arbre de la connaissance
du bien et du mal, " car du jour où tu en mangeras, tu
mourras " (Gn 2, 17). " L’arbre de la connaissance du bien
et du mal " (Gn 2, 17) évoque symboliquement la limite
infranchissable que l’homme, en tant que créature, doit librement reconnaître
et respecter avec confiance. L’homme dépend du Créateur, il est soumis aux lois
de la création et aux normes morales qui règlent l’usage de la liberté.
Le premier péché de l’homme
397 L’homme, tenté par le
diable, a laissé mourir dans son cœur la confiance envers son créateur (cf. Gn
3, 1-11) et, en abusant de sa liberté, a désobéi au commandement de
Dieu. C’est en cela qu’a consisté le premier péché de l’homme (cf. Rm 5, 19).
Tout péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de
confiance en sa bonté.
398 Dans ce péché,
l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé
Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de
son état de créature et dès lors contre son propre bien. Constitué dans un état
de sainteté, l’homme était destiné à être pleinement
" divinisé " par Dieu dans la gloire. Par la séduction du
diable, il a voulu " être comme Dieu " (cf. Gn 3, 5), mais
" sans Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu " (S.
Maxime le Confesseur, ambig. : PG 91, 1156C).
399 L’Écriture montre les
conséquences dramatiques de cette première désobéissance. Adam et Eve perdent
immédiatement la grâce de la sainteté originelle (cf. Rm 3, 23). Ils ont peur
de ce Dieu (cf. Gn 3, 9-10) dont ils ont conçu une fausse image, celle d’un
Dieu jaloux de ses prérogatives (cf. Gn 3, 5).
400 L’harmonie dans
laquelle ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est
détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est
brisée (cf. Gn 3, 7) ; l’union de l’homme et de la femme est soumise à des
tensions (cf. Gn 3, 11-13) ; leurs rapports seront marqués par la
convoitise et la domination (cf. Gn 3, 16). L’harmonie avec la création est
rompue : la création visible est devenue pour l’homme étrangère et hostile
(cf. Gn 3, 17. 19). A cause de l’homme, la création est soumise " à
la servitude de la corruption " (Rm 8, 20). Enfin, la conséquence
explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2, 17) se
réalisera : l’homme " retournera à la poussière de laquelle il
est formé " (Gn 3, 19). La mort fait son entrée dans l’histoire de
l’humanité (cf. Rm 5, 12).
401 Depuis ce premier
péché, une véritable " invasion " du péché inonde le
monde : le fratricide commis par Caïn sur Abel (cf. Gn 4, 3-15) ; la
corruption universelle à la suite du péché (cf. Gn 6, 5. 12 ; Rm 1,
18-32) ; de même, dans l’histoire d’Israël, le péché se manifeste
fréquemment, surtout comme une infidélité au Dieu de l’alliance et comme
transgression de la Loi de Moïse ; après la Rédemption du Christ aussi,
parmi les chrétiens, le péché se manifeste de nombreuses manières (cf. 1 Co
1-6 ; Ap 2-3). L’Écriture et la Tradition de l’Église ne cessent de
rappeler la présence et l’universalité du péché dans l’histoire de
l’homme :
Ce
que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme.
Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre également enclin
au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui
est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a,
par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même
temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport
aux autres hommes et à toute la création (GS 13, § 1).
Conséquences du péché d’Adam
pour l’humanité
402 Tous les hommes sont
impliqués dans le péché d’Adam. S. Paul l’affirme : " Par la
désobéissance d’un seul homme, la multitude (c’est-à-dire tous les hommes) a
été constituée pécheresse " (Rm 5, 19) : " De même que
par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et
qu’ainsi la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont
péché... " (Rm 5, 12). A l’universalité du péché et de la mort
l’apôtre oppose l’universalité du salut dans le Christ : " Comme
la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même
l’œuvre de justice d’un seul (celle du Christ) procure à tous une justification
qui donne la vie " (Rm 5, 18).
403 A la suite de S. Paul
l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et
leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien
avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous
naissons tous affectés et qui est " mort de l’âme " (cf.
Cc. Trente : DS 1512). En raison de cette certitude de foi, l’Église donne
le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui n’ont pas
commis de péché personnel (cf. Cc. Trente : DS 1514).
76. Qu’est
ce que le péché originel?
Le péché
originel, avec lequel naissent tous les hommes, est l’état de privation de
sainteté et de justice originelles dans lequel naissent tous les hommes. C’est
un péché que nous avons « contracté » et non un péché que l’on « commet »;
c’est une condition de naissance et non un acte personnel. En raison de l’unité
originelle de tout le genre humain, ce péché se transmet aux descendants d’Adam
avec la nature humaine, « non par imitation, mais par propagation ». Cette
transmission reste un mystère que nous ne pouvons saisir pleinement.
404 Comment le péché
d’Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le genre
humain est en Adam " comme l’unique corps d’un homme
unique " (S. Thomas d’A., mal. 4, 1) Par cette " unité du
genre humain " tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam,
comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission
du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement.
Mais nous savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice
originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en
cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce
péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans un état
déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). C’est un péché qui sera
transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission
d’une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et
c’est pourquoi le péché originel est appelé " péché " de
façon analogique : c’est un péché " contracté " et non
pas " commis ", un état et non pas un acte.
77. Quelles
sont les autres conséquences provoquées par le péché originel?
Par la suite
du péché originel, la nature humaine, sans être entièrement corrompue, est
blessée dans ses forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance, au
pouvoir de la mort; elle est inclinée au péché. Cette inclination s’appelle concupiscence.
405 Quoique propre à
chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché originel n’a, en aucun
descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la
sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n’est pas
totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces
naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et
inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée
" concupiscence "). Le Baptême, en donnant la vie de la
grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais
les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans
l’homme et l’appellent au combat spirituel.
406 La doctrine de
l’Église sur la transmission du péché originel s’est précisée surtout au
cinquième siècle, en particulier sous l’impulsion de la réflexion de S.
Augustin contre le pélagianisme, et au seizième siècle, en opposition à la
Réforme protestante. Pélage tenait que l’homme pouvait, par la force naturelle
de sa volonté libre, sans l’aide nécessaire de la grâce de Dieu, mener une vie
moralement bonne ; il réduisait ainsi l’influence de la faute d’Adam à
celle d’un mauvais exemple. Les premiers réformateurs protestants, au
contraire, enseignaient que l’homme était radicalement perverti et sa liberté
annulée par le péché des origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque
homme avec la tendance au mal (concupiscentia), qui serait
insurmontable. L’Église s’est spécialement prononcée sur le sens du donné
révélé concernant le péché originel au deuxième Concile d’Orange en 529 (cf. DS
371-372) et au Concile de Trente en 1546 (cf. DS 1510-1516).
Un dur combat...
407 La doctrine sur le
péché originel – liée à celle de la Rédemption par le Christ – donne un regard
de discernement lucide sur la situation de l’homme et de son agir dans le
monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine
domination sur l’homme, bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel
entraîne " la servitude sous le pouvoir de celui qui possédait
l’empire de la mort, c’est-à-dire du diable " (Cc. Trente :
DS 1511 ; cf. He 2, 14). Ignorer
que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves
erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale
(cf. CA 25) et des mœurs.
408 Les conséquences du
péché originel et de tous les péchés personnels des hommes confèrent au monde
dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée par
l’expression de Saint Jean : " le péché du monde " (Jn
1, 29). Par cette expression on signifie aussi l’influence négative qu’exercent
sur les personnes les situations communautaires et les structures sociales qui
sont le fruit des péchés des hommes (cf. RP 16).
409 Cette situation
dramatique du monde qui " tout entier gît au pouvoir du
mauvais " (1 Jn 5, 19 ; cf. 1 P 5, 8) fait de la vie de l’homme
un combat :
Un
dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire
des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a
dit, jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse
combattre pour s’attacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la
grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure (GS 37, § 2).
78. Après le
premier péché, qu’a fait Dieu?
Après le
premier péché, le monde a été envahi par les péchés, mais Dieu n’a pas abandonné
l’homme au pouvoir de la mort. Au contraire, il a annoncé d’une façon
mystérieuse – dans le « Protévangile » (cf. Gn 3,15) – que le mal serait
vaincu et que l’homme serait relevé de la chute. C’est la première annonce du
Messie rédempteur. C’est pourquoi on ira jusqu’à qualifier la chute d’heureuse
faute (felix culpa), car « elle a mérité un si grand Rédempteur »
(Liturgie de la Veillée pascale).