Saint Dominique de Guzman naquit dans la Vielle Castille. Sa mère, avant sa naissance, eut une vision étrange; il lui sembla voir l'enfant qu'elle allait mettre au monde sous la forme d'un petit chien tenant un flambeau dans sa gueule et prêt à répandre le feu sur la terre. Son enfance fut marquée par plusieurs autres présages merveilleux. Jeune étudiant, il vivait déjà comme un saint. Il avait chaque jour ses heures fixées pour la prière, et souvent il était ravi en Dieu. Il jeûnait presque toujours, ne buvait jamais de vin, dormait fort peu et n'avait d'autre lit que le plancher de sa chambre. Un jour, ayant tout donné, il dit à une femme qui lui demandait de l'argent pour racheter son frère captif: " Je n'ai ni or ni argent; mais prenez-moi et offrez-moi aux Maures en échange de votre frère".La proposition héroïque ne fut pas acceptée, mais Dominique en eut le mérite. Dans une maladie très grave, causée par son travail et ses austérités, il fut guéri soudain par l'apparition de Saint Jacques le Majeur. Dominique ayant dû venir en France avec son évêque, fut profondément touché du triste état auquel l'hérésie avait réduit les provinces du Midi et résolut de travailler dans ce pays au triomphe de la foi.
Le saint Rosaire, dans sa forme et la méthode dont on le récite à présent, a été donné par la très sainte Vierge à saint Dominique pour convertir les hérétiques albigeois et les pécheurs, en l'an 1214. Saint Dominique, voyant que les crimes des hommes mettaient obstacle à la conversion des Albigeois, entra dans une forêt proche de Toulouse et y passa trois jours et trois nuits dans une continuelle oraison et pénitence; il ne cessait de gémir, de pleurer et de se macérer le corps à coups de discipline, afin d'apaiser la colère de Dieu, de sorte qu'il tomba à demi mort. La Sainte Vierge lui apparut, accompagnée de trois princesses du ciel et lui dit: "Sais-tu, mon cher Dominique, de quelle arme la Sainte Trinité s'est servie pour réformer le monde?" - "O Madame, répondit-il, vous le savez mieux que moi, car après votre Fils Jésus-Christ vous avez été le principal instrument de notre salut." Elle ajouta: "Sache que la principale pièce de batterie a été le psautier angélique, qui est le fondement du Nouveau Testament; c'est pourquoi, si tu veux gagner à Dieu ces coeurs endurcis, prêche mon psautier." Le saint se leva tout consolé et, brûlant du zèle du salut de ces peuples, il entra dans l'église cathédrale; les cloches sonnèrent par l'entremise des anges pour assembler les habitants, et au commencement de la prédication un orage effroyable s'éleva; la terre trembla, le soleil s'obscurcit, les tonnerres et les éclairs redoublés firent pâlir et trembler tous les auditeurs; et leur terreur augmenta quand ils virent une image de la Sainte Vierge exposée sur un lieu éminent, lever les bras par trois fois vers le ciel pour demander vengeance à Dieu contre eux, s'ils ne se convertissaient et ne recouraient à la protection de la sacrée Mère de Dieu. Le ciel voulait augmenter, par ces prodiges, la nouvelle dévotion du saint Rosaire et la rendre plus fameuse. L'orage cessa enfin par les prières de saint Dominique. Il poursuivit son discours et expliqua avec tant de ferveur et de force l'excellence du saint Rosaire, que les Toulousains l'embrassèrent presque tous et renoncèrent presque tous à leurs erreurs, et l'on vit, en peu de temps, un grand changement de mœurs et de vie dans la ville. Plus tard, lorsque le saint était, un jour de Saint-Jean l'Evangéliste, à Notre-Dame de Paris, derrière le grand autel, dans une chapelle, pour se préparer à prêcher, en récitant le saint Rosaire, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit: "Dominique, quoique ce que tu as préparé pour prêcher soit bon, voici pourtant un sermon bien meilleur que je t'apporte." Saint Dominique reçoit de ses mains le livre où était ce sermon, le lit, le goûte et le comprend, en rend grâce à la Sainte Vierge. L'heure du sermon arrivé, il monte en chaire et, après n'avoir dit à la louange de saint Jean l'Evangéliste autre chose sinon qu'il avait mérité d'être le gardien de la Reine du ciel, il dit à toute l'assemblée des grands et des docteurs qui étaient venus l'entendre, qui étaient accoutumés à n'entendre que des discours curieux et polis, mais que, pour lui, il ne parlerait point dans les paroles savantes de la sagesse humaine, mais dans la simplicité et la force du Saint- Esprit. Alors saint Dominique leur prêcha le saint Rosaire et leur expliqua mot à mot, comme à des enfants, la Salutation angélique, en se servant des comparaisons fort simples qu'il avait lues dans le papier que lui avait donné la Sainte Vierge. Lorsque saint Dominique prêchait la dévotion du Rosaire dans Carcassone, un hérétique tournait en ridicule ses miracles et les 15 mystères du saint Rosaire, ce qui empêchait la conversion des hérétiques. Dieu, pour punir cet impie, permit à quinze mille démons d'entrer en son corps; ses parents l'amenèrent au bienheureux Père pour le délivrer de ces malins esprits. Il se mit en oraison et exhorta toute la compagnie de réciter avec lui le Rosaire tout haut, et voilà qu'à chaque Ave Maria, la sainte Vierge faisait sortir cent démons du corps de cet hérétique en forme de charbons ardents. Après qu'il fut délivré, il abjura ses erreurs, se convertit et se fit enrôler en la confrérie du Rosaire avec plusieurs de son parti qui furent touchés de ce châtiment et de la vertu du Rosaire. Parmi les miracles quotidiens que Dieu opérait en sa faveur, on rapporte que, dans ses voyages, la pluie tombait souvent autour de lui sans l'atteindre; qu'un jour, son sac et ses livres, étant tombés dans une rivière, furent repêchés plusieurs jours après, sans il eut aucune trace d'eau. Saint Dominique fit à un religieux de Cîteaux pour lequel il avait une vive affection la confidence suivante: «Je vous assure une chose que je n'ai jamais dite à personne et dont je vous prie de garder le secret jusqu'à la mort: c'est qu'en cette vie jamais le Seigneur ne m'a rien refusé de ce que je lui ai demandé.» - «Père, s'il en est ainsi - dit le moine - pourquoi ne demandez-vous pas que le maître Conrad, dont les frères désirent si vivement la possession, entre dans l'ordre ?» «Mon bon père, répondit Dominique, vous parlez là d'une chose bien difficile, mais, si vous voulez passer cette nuit à prier avec moi, j'ai confiance que le Sauveur nous fera cette grâce»; et, après une nuit de prières, à la première heure du jour, maître Conrad vint frapper à la porte du monastère et, se jetant aux pieds de Dominique, lui demanda l'habit de son ordre. Dominique fit le voyage de Rome pour obtenir l'approbation de l'Ordre des Frères-Prêcheurs . C'est là qu'il rencontra saint François d'Assise, et que ces deux grands saints de l'époque, qui étaient venus ensemble à Rome dans le même but, se reconnurent pour s'être vus en songe, s'embrassèrent comme deux frères et lièrent une amitié profonde qui dura jusqu'à la mort. Dominique opérait une multitude de miracles, ressucitait les morts, et se disait : "le plus grand pécheur de l'univers".
L'Apôtre infatigable, qui puisant dans la méditation des divins mystères et dans son immense amour pour la Vierge, la force contenue dans ses discours contre les hérétiques Albigeois, est reproduit par Angelico dans une attitude de profonde réflexion. Il semble qu'ici le frère de Fiesole, ait communiqué sa propre paix à son ardent prédécesseur. Le visage au profil calme et grave est délicatement posé sur une main, tandis que l'autre, transparente, retombe sur le livre. Comme dit un critique français, Schneider, "grave et serein est ce jeune visage au modelé pur que la vie extérieure n'a pas effleuré. Aucune ride sur ce front qui reflète la seule lumière du ciel". Il a interrompu la lecture des souffrances de son Dieu et dans un effort intérieur, il en médite la profondeur et la signification. Portrait de notre Père saint Dominique par la soeur Cécile: "Sa taille était ordinaire, bien proportionnée, son corps fluet et agile, son visage beau, coloré, ses cheveux et sa barbe d'un blond assez vif; de son front, entre ses sourcils, jaillissait une clarté radieuse qui attirait le respect et l'amour; il était toujours joyeux, agréable, excepté quand il était ému de quelque affliction du prochain; il avait les mains longues et belles, une voix noble et sonore; il avait sa couronne religieuse toute entière, parsemée seulement de quelques cheveux blanc. La main du Créateur avait elle-même ce corps délicat et l'avait enrichi de sa grâce, afin qu'il fût à l'Esprit-Saint un sanctuaire digne de ses dons et de ses opérations." Le portrait que le bienheureux Jourdain trace du bienheureux père n'est pas moins attachant: "Il y avait en lui, dit-il, une telle pureté de vie, un si grand mouvement de ferveur divine, un élan si impétueux vers Dieu, qu'il était vraiment un vase d'honneur et de grâce. Rien ne troublait jamais l'égalité de son âme, si ce n'est sa compassion pour les maux du prochain. La beauté et la joie de ses traits trahissaient sa sérénité intérieure, que n'obscurcissait jamais le moindre mouvement de colère; sa bonté gagnait tous les cœurs; à peine l'avait-on entrevu qu'on se sentait irrésistiblement entraîné vers lui; il accueillait tout le monde dans le sein de sa charité; aimant tous les hommes, il était aimé de tous; il donnait la nuit à Dieu et le jour au prochain. Rien ne lui semblait plus naturel que de se réjouir avec ceux qui étaient dans la joie et de pleurer avec ceux qui pleuraient; jamais, dans sa conduite, l'ombre du déguisement; rien n'égalait la simplicité de son cœur. Qui atteindra jamais la vertu de cet homme? Nous pouvons bien l'admirer, mais pouvoir ce qu'il a pu, reproduire ce qu'il a fait, n'appartient qu'à une grâce singulière, que Dieu ne donne qu'à ceux qu'il veut élever aux sommets de sa sainteté."
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